Il y a de ces fleurs que tu portes fièrement
En te pavanant dans les passerelles embruinées
Les parapluies voletant comme des souffles de rêves
Tandis que tu brandis ton éventail de couleurs et d’odeurs
Ardente flamboyante
Alliciante et insaisissable
Tu te promènes dans le lancement de ton élan
Le nez enfoui dans ton trésor éphémère
Le nez reniflant pointé vers l’avant
Il y en a que tu choisis méticuleusement
Après lente contemplation
Une à une, tige par tige
Rêvant minutieusement au parfait agencement
Il y en a des violettes…
Des opalines, smaragdines, ambrées
Des lilas…
Il y a de celles dont tu raffoles
Il y a celles que tu cajoles
Parce que ta couleur favorite ne s’aperçoit nulle part ailleurs
Qu’en leurs pigments nitescents
Il y en a de celles qui naissent des perles de rosée
Qui s’abreuvent de l’élixir vivifiant
D’une éclipse éventrée sur la verticale
Il y a des ces fleurs
Il y a de ces bouquets de fleurs
Que tu achètes pour ta mère
Mais ceux-là fanent trop vite
Tu avais choisi quelques tiges de Liserons des champs
Des Orchidées, des Ancolies vulgaires, des Frangipaniers
Une Digitale pourpre, quatre Dahlias …
Le bouquet était harmonieux
Pourtant, ce jour-là
Il y avait une larme refoulée qui fuguait de ta paupière
Elle s’est laissé glisser sur un pétale choisi
Tu marchais sur le pavé taché d’humidité
Ton front relevé prêt à aimer
Alors qu’une feuille verte et juteuse issue d’une branche souple et suspendue
Rencontrait doucement ton visage
Tu ne l’écartais pas
Et un résidu d’averse coulissait sur l’arche délicate de ton nez
Comme sur une piste escarpée
D’un coup de langue calculé digne d’une vivacité reptilienne
Tu gobais la goutte d’eau
À cet instant
Il y avait dans ton bouquet une mosaïque de bulles iridescentes
Un amoncellement de gouttes d’eau parmi tes plus belles fleurs
Ta larme juchée sur le pétale s’était faufilée …
Mais comme je te dis,
Celles-là fanent trop vite
Ta mère en avait pris soin
Elle les trouvait si gracieuses
Elle les avait déposées dans son vase de cristal sculpté
Plongeant leurs fines tiges dans un élixir d’éclipse éventré
Il y a de ces fleurs qui se fanent trop vite
Et il y a eu ce pétale qui n’avait plus jamais fané …

Crédits photos : Charlotte Gagnon

